Nos identités remarquables sont celles qui nous font avancer plus vite, celles qui nous poussent irrésistiblement vers un ailleurs, géographique ou temporel, qui fait de nous l’une de ces petites particules élémentaires constituant le grand tout de notre monde éclaté, celles aussi qui parfois nous font préférer le désordre à la norme. Dans cet ensemble incertain, globalisé et mouvant, il y a ceux qui font le gros dos et traverse l’existence sans faire de vague, ceux qui rayent les parquets des pouvoirs de leurs dents acérées, puis il y a ceux qui, comme Balbec, se lèvent encore pour crier leur rage, leur désespoir, leur vision d’une société, d’une vie, d’un espoir, qui peu à peu sombre dans le nihilisme. Lorsqu’arrive « l’érosion des sentiments », lorsque le regard sur l’autre, les autres, puisque finalement on peut de l’intime dériver sans trop de mal vers l’universel, ne reste plus que l’envie de lâcher les mots comme on lâche des balles, sans modération, sans remords, juste pour embrasser le chaos et convoquer à la fête un bordel magnifique. Quelques riffs métalliques pour agrémenter la pulsion destructrice, une voix douce, cristalline, pour atténuer la douleur de la lucidité de mots jetés sans filtre mais avec virulence, à la face de nos aveuglements, et le tour est joué, la somme de toutes nos angoisses embarque la fleur au fusil sur ce vaisseau furieux, indomptable et totalement, irrémédiablement hors des modes. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’un tel déchainement fait un bien fou à nos petites consciences assoupies !