Ça fait un moment que le phoque est parti pousser la complainte d’Alaska sous d’autres cieux, la faute à tous ces hommes qui sont venus souiller sa nature immaculée, à ces machines qui se sont installées en lieu et place des paysages blancs glacés. Alors, avec une grosse pointe de nostalgie, son copain l’ours blanc essaie tant bien que mal de survivre sans amis, seul et terriblement, dans cet univers chamboulé où ses repères ne sont plus. Lui si fier, si sauvage, peu à peu se dit qu’il est temps d’aspirer à autre chose, peut-être se fondre dans la masse et ressembler à ces ridicules hommes qui ne cherchent que le profit, quitte pour cela à détruire ce qui fait l’essence même de la vie sur Terre. Il sait, lui, que tout cela n’a pas de sens, qu’un jour où l’autre, le plus fort ne pourra plus imposer sa loi et sera à son tour dans la peau de l’ours blanc chassé de sa banquise, poussé à la dérive vers un ailleurs inconnu juste pour assurer sa survie. Alors, lorsque personne ne le voit, il se pose là et se laisse bercer par quelques mélodies que certains de ces étranges humains imaginent, rêvant à un avenir plus joyeux, plus paisible. Et s’il regrette sa triste condition et ses demains qui ressemblent à un enfer, il puise un peu de sérénité, un peu de baume pour son cœur égratigné, dans la douce folk de cet étranger différent, cet Emmanuel Della Torre, primate de sang, de chair et d’os, comme lui, qui chante en douceur sa lente dérive vers le néant et a si bien su capter « la nostalgie de l’ours blanc ». Qui sait, peut-être même qu’après il le suivra et avec lui partira vers d’autres continents où l’homme et l’animal peuvent vivre en paix et en harmonie. Il a bien le droit de rêver, lui qui n’a plus que ça face au tout puissant shérif, ce cowboy avide de conquêtes qui détruit tout sur son passage. Et espérer demain pouvoir être de nouveau libre sur cette banquise qui l’a vu naître et grandir…