S’il y a une chose qui est essentielle pour nous, journalistes, auteurs, créateurs, c’est la Liberté. Avec un grand L !… Celle qui nous permet de dire ce que l’on pense, de penser (presque toujours) ce que l’on dit, d’écrire sans contrainte et sans peur, de dessiner s’il le faut (et si l’on en est capable), de coucher des mots et des lignes qui peuvent heurter, fâcher, plaire ou déplaire, caresser ou hérisser, peu importe car l’important est de dire, sans censure ou pire auto-censure, quitte à être contredit, condamné par la justice, quitte à passer pour le dernier des crétins, parfois même à revenir en arrière et faire son mea culpa. Il fut un temps, pas si lointain, où l’on pouvait débattre en télévision de tous les sujets, s’envoyer des noms d’oiseaux et des cendriers à la figure (car oui à cette même époque l’on pouvait fumer à la télévision, au cinéma et même dans les salles de concerts, quelle horreur), on pouvait montrer des corps nus de femmes (plus rarement d’hommes on le regrettera toujours), on laissait toutes les opinions s’exprimer sans se contenter de la désormais habituelle pensée préfacée et consensuelle. Alors, oui, si peu à peu ce temps béni a laissé place à un entre-deux soporifique, il convient d’être vigilant et ne pas laisser arriver ce que l’on voit se dessiner. Car ne nous leurrons pas, si l’on accepte aujourd’hui de nous coucher devant les imprécations diverses et variées, demain ne sera pas radieux et la Liberté ne sera plus qu’un lointain souvenir pour tous, surtout pour les idiot(e)s utiles qui aujourd’hui font le lit des idées extrêmes.
Dans nos pages, la liberté de ton et de pensée existe, et s’il est vrai que nous refusons de publier quelques titres par an – principalement parce que les discours de haine n’ont pas de place chez nous -, jamais nous n’accepterons de laisser une chanson de côté, et a fortiori un clip, parce qu’il pourrait déplaire à telle ou telle partie de la population. Face à quelque chose qui nous déplait, finalement la solution est assez simple, pour ne pas dire basique : utiliser son cerveau et arrêter de regarder, utiliser son cerveau et passer à autre chose pour laisser ceux qui aiment en profiter. Porter la haine n’a jamais rendu qui que ce soit heureux et, pire, en s’attaquant aux mauvaises personnes, ceux qui prônent ce type de discours, de type d’action, servent juste leurs vrais ennemis.
Notre média, certes, ne traite que de musique, espace traditionnel de liberté, de partage, d’échange. Il n’en reste pas moins fait par des personnes avec des valeurs, une éthique. Il est donc tout à fait naturel pour nous de nous associer au texte publié par un collectif de 90 médias traditionnels et de le relayer ici-même. Parce que rien n’est plus important que la liberté d’expression, la liberté de vivre et de dire, la liberté d’être contre ou pour, la liberté tout court !
« Lettre ouverte à nos concitoyens
Il n’est jamais arrivé que des médias, qui défendent souvent des points de vue divergents et dont le manifeste n’est pas la forme usuelle d’expression, décident ensemble de s’adresser à leurs publics et à leurs concitoyens d’une manière aussi solennelle.
Si nous le faisons, c’est parce qu’il nous a paru crucial de vous alerter au sujet d’une des valeurs les plus fondamentales de notre démocratie : votre liberté d’expression.
Aujourd’hui, en 2020, certains d’entre vous sont menacés de mort sur les réseaux sociaux quand ils exposent des opinions singulières. Des médias sont ouvertement désignés comme cibles par des organisations terroristes internationales. Des États exercent des pressions sur des journalistes français « coupables » d’avoir publié des articles critiques.
La violence des mots s’est peu à peu transformée en violence physique.
Ces cinq dernières années, des femmes et des hommes de notre pays ont été assassinés par des fanatiques, en raison de leurs origines ou de leurs opinions. Des journalistes et des dessinateurs ont été exécutés pour qu’ils cessent à tout jamais d’écrire et de dessiner librement.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », proclame l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée à notre Constitution. Cet article est immédiatement complété par le suivant : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Pourtant, c’est tout l’édifice juridique élaboré pendant plus de deux siècles pour protéger votre liberté d’expression qui est attaqué, comme jamais depuis soixante-quinze ans. Et cette fois par des idéologies totalitaires nouvelles, prétendant parfois s’inspirer de textes religieux.
Bien sûr, nous attendons des pouvoirs publics qu’ils déploient les moyens policiers nécessaires pour assurer la défense de ces libertés et qu’ils condamnent fermement les États qui violent les traités garants de vos droits. Mais nous redoutons que la crainte légitime de la mort n’étende son emprise et n’étouffe inexorablement les derniers esprits libres.
Que restera-t-il alors de ce dont les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 avaient rêvé ? Ces libertés nous sont tellement naturelles qu’il nous arrive d’oublier le privilège et le confort qu’elles constituent pour chacun d’entre nous. Elles sont comme l’air que l’on respire et cet air se raréfie. Pour être dignes de nos ancêtres qui les ont arrachées et de ce qu’ils nous ont transmis, nous devons prendre la résolution de ne plus rien céder à ces idéologies mortifères.
Les lois de notre pays offrent à chacun d’entre vous un cadre qui vous autorise à parler, écrire et dessiner comme dans peu d’autres endroits dans le monde. Il n’appartient qu’à vous de vous en emparer. Oui, vous avez le droit d’exprimer vos opinions et de critiquer celles des autres, qu’elles soient politiques, philosophiques ou religieuses pourvu que cela reste dans les limites fixées par la loi. Rappelons ici, en solidarité avec Charlie Hebdo, qui a payé sa liberté du sang de ses collaborateurs, qu’en France, le délit de blasphème n’existe pas. Certains d’entre nous sont croyants et peuvent naturellement être choqués par le blasphème. Pour autant ils s’associent sans réserve à notre démarche. Parce qu’en défendant la liberté de blasphémer, ce n’est pas le blasphème que nous défendons mais la liberté.
Nous avons besoin de vous. De votre mobilisation. Du rempart de vos consciences. Il faut que les ennemis de la liberté comprennent que nous sommes tous ensemble leurs adversaires résolus, quelles que soient par ailleurs nos différences d’opinion ou de croyances. Citoyens, élus locaux, responsables politiques, journalistes, militants de tous les partis et de toutes les associations, plus que jamais dans cette époque incertaine, nous devons réunir nos forces pour chasser la peur et faire triompher notre amour indestructible de la Liberté. »
#DefendonsLaLiberté