Faut-il réellement juger un livre sur sa longueur ?… Pas sûr tant certains pavés nous ont littéralement assommés ces dernières années. En revanche, au détour d’un rayon, virtuel ou réel, d’un libraire, on tombe parfois sur une petite pépite, un ouvrage qui ne paie pas de mine mais qui, une fois ouvert, nous balance de fort jolies émotions. Pour s’en convaincre, si besoin était, il suffit de jeter un œil sur ce “Mister Nanor” de Ronan Boiste qui, en treize textes et une petite cinquantaine de pages, nous offre un grand huit émotionnel qui fait un bien fou. Treize textes entre poésie et slam, urgence des mots et émotion des sonorités, treize uppercuts que l’on se prend en pleine face, qui nous laissent sonnés ou rêveurs, souriants ou le sourcil froncés. Ici, on parle de politique et de soi, d’illusions et d’identité, de la nuit qui enchante et des rêves que l’on y fait, de la vie – sous toutes ses formes et avec tous ses excès – et des espoirs en un seul ou deux mots, de préjugés et de sentiments, bref on y parle de tout et de nous. Les mots y sont parfois crus mais ils ne sont jamais futiles. Ils claquent aux vents mauvais d’un conformisme illusoire et nous poussent dans nos derniers retranchements, comme pour nous pousser à réagir. Et s’il y a, visiblement, une colère sourde qui hante ces pages, c’est bien pour créer en nous, au-delà des émotions et du plaisir, une réflexion sur ce monde auquel on appartient et qui, finalement, ne tourne pas si rond que cela. A lire ces textes courts, on sent que la musique accompagne leur auteur, qu’il s’en nourrit pour impulser un rythme, des sonorités. Nul étonnement, donc, à s’apercevoir qu’ils sont la colonne vertébrale de concerts que Ronan Boiste et ses amis musiciens donnent régulièrement. Nul surprise, donc, à ce que les émotions que l’on ressent en les lisant ressemblent fortement à celles que l’on a en se laissant porter par des chansons. Même si, au détour d’une ligne, d’un mot, on sent poindre un peu de nostalgie, ce qui est paradoxal pour un auteur somme toute jeune, c’est bien avec les deux pieds dans la modernité et ses accents que Ronan Boiste a craché son venin, ciselé ses rimes comme autant de lames tranchantes, d’aiguilles venant nous vacciner contre l’atonie de notre cerveau. Alors oui, on peut être un livre peu épais et être fort, impactant, viscéral et troublant. Aucune raison, donc, de passer à côté d’un tel petit bijou !
RONAN BOISTE – “Mister Nanor”
Publishroom /// 49 pages /// 8€ (broché)
sortie le 10 Mars 2017
découvrir la traduction en musique de “Mister Nanor” :